Pendant environ trois ans, "un ami" et moi menaient plusieurs projets à la fois et ensemble. Moi, je l'appellerai dans ce texte "un ami", "mon ami" pour préserver son identité. D'abord, on était des collègues à l'Université de São Paulo. On a fait connaissance dans un groupe de recherche. Puis, on a commencé à sortir ensemble après nos réunions, pour prendre un café ou une bière. On discutait toujours sur nos recherches et nos projets pour l'avenir. Mais notre amitié à vraiment commencé pendant un voyage à un congrès. On a loué un appartement ensemble pour rester là-bas pendant une semaine, avec d'autres chercheurs, aussi nos amis en commun.
Tout était bel et bien entre nous. On se parlait presque tous les jours. On connaissait les familles l'un de l'autre. On était si proche qu'on arrivait à nous comprendre seulement avec des échanges de regards. Nos projets ensemble marchaient hyper bien. Tout le monde savait qu'on était un binôme de travail remarquable.
Soudain, au début de l'année dernière – pendant la deuxième année de confinement –, il m'a tout court supprimé d'un projet très cher à moi et il m'a remplacé par une autre personne. À l'époque, je travaillais dans quatre écoles en même temps, je remplaçait un ami qui était au Canada et j'étais aussi à la recherche d'un contrat de travail plus fixe. Peut-être que, à cause de tout cela, on a eu du mal à fixer un rendez-vous important pour la suite de ce projet, ou peut-être aussi parce qu'il a tout simplement décidé, tout seul, à faire des changements plus pratiques sans avoir besoin d'en discuter. Étant donné les circonstances, on a eu une rupture brusque entre nous.
De mon côté, je me sentais si triste, si choquée, si profondément blessée. Je n'arrivais ni même à m'exprimer. Juste moi, la bavarde, la fêtarde du groupe. Je me suis tue. Je me suis recueillie dans ma coquille. Je sentais mon coeur brisé par un ami si cher, par un collègue si responsable et correct, que je n'ai pas pu lui dire comment je me sentais. En fait, j'étais pleinement consciente de mes sentiments ; ma décision de me mettre à l'écart envisageait aussi ne pas rendre pire ce malentendu. On sait très bien comment une personne dans ce genre de situation est capable d'agir. Et moi, de mon côté, je voulais le préserver le maximum, sans offenser personne.
Plusieurs mois sont écoulés. C'était dix-huit mois, plus précisément. J'ai eu besoin du temps pour penser à lui, pour le détacher des événements précédents. Je savais, dès le début, qu'un jour tout cela aurait une résolution. Mais comment ? Moi, dans ma coquille, inaccessible ; lui, me cherchant sans succès. Mon intuition me disais que c'était au temps de nous montrer l'occasion, face à face. Et il l'a fait. Dans toute sa perfection.
Vendredi dernier, je suis allée à l'Université pour participer à une réunion d'un autre groupe de recherche. La réunion n'a pas eu lieu effectivement, et j'étais déjà là-bas quand j'avais découvert l'annulation. Un autre ami à moi était aussi là-bas, en travaillant, et on a fixé un rendez-vous devant la bibliothèque. "Notre ami est là, dedans" — il m'a dit. "Ah, bon ?" — je lui ai répondu. Et on a changé brusquement notre sujet de conversation... "Je dois rentrer chez moi, donc. J'y vais", à ceux qu'il m'a suggéré "Mais est-ce que tu ne veux pas vraiment entrer à la bibliothèque et rester un peu plus ?". "Bah, oui ! Je veux le voir, en fait."
Quand il m'a vu, nos regards croisés, ses yeux très clairs, comme le ciel en été à midi, sont devenus rouges et pleins de grosses larmes. Il pleurait copieusement. Si discrètement, si joliment.
On s'est serré dans les bras, très fort. On est resté des minutes incomptables, en nous regardant dans les yeux l'un de l'autre, en nous serrant dans les bras.
L'unique pensée que j'avais eu dans ma tête, pendant ce temps qu'on était dans la bibliothèque, c'était que j'avais bien agi. La décision de me préserver et de ne pas essayer à tout résoudre, coûte que coûte, nous a offert une rapproche unique dans ma vie, jusqu'à présent.
Il m'a invité à sortir discuter dehors la bibliothèque. On s'est assis sur un banc tout en face. Nos mains croisées. Nos regards liés. C'était de l'amour dans l'amitié. De l'amour fraternel.
On a eu la discussion la plus belle possible. Chacun à son tour, on a parlé de nous-autres, de nos vies privées et professionnelles. Bref, on a parlé de nous et de notre affaire à régler. Sans rancoeur, sans amertume. La tendresse, tout simplement. La plus pure tendresse. Et la paix, finalement.
Le travail nous a approché, pour sûr. Et on a travaillé tellement bien ensemble. Mais c'est le temps qui nous a rassemblé. Le temps fait sa magie, si on le laisse travailler.
Don't you know thatThat patience is a virtue? Yes, it isAnd life is a waiting gameDon't you know thatPeace must be learned to you?
And all the money in the world can buy you nothing (I tell you that)All these things happenAll these things happen for a reasonDon't you go on and throw it all awayWhen the seasons change, you gonna change
Notre vie professionnelle, et ici je ne parle pas seulement de mon ami et moi – tout le monde compris – n'est jamais seulement du travail, des tâches. Bien sûr qu'on ne devient pas amis proches de tous nos collègues. Mais quelquefois cela peut arriver. On passe beaucoup plus de temps en contact avec des collègues qu'avec nos proches. Il y a plein de choses à réfléchir sur cela... En tout cas, je m'arrête là dans cette histoire d'aujourd'hui, qui a rempli mon coeur de gratitude au temps, à sa magie, et de fierté de moi-même, d'avoir eu la possibilité de respecter mes limites et ceux des autres à qui j'apprécie énormément. ♡
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